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DANS L’ÉCRITURE DE GRANDS RÊVES EMPORTÉS

Par Benoît‘L’Joe

 

Je refuse de me prétendre ‘pataphisycien, le mot s’est choqué l’ygrec a glissé, se prenant pour Sisyphe. L’ « i » en a profité. C’est bien pour dire que l’ambition de l’opportunisme s’infiltre et pénètre bien des choses! Je suis un importuniste, si ça n’existe pas je l’invente; si c’était là déjà alors je veux dire, peut-être, autre chose que ce que je dis! Qu’en sais-je? Plus que toi et moins que le plancher. Oups, que la terre j’veux dire! La terre oui car tu es le ciel. Non, de grâce, ne le tuez pas! Il est gentil…

Qu’est-ce qui naît si je meurs? Sont-ce les vers, les miens? Meurs et deviens poussière d’étoile, poussière et pourriture : l’union qui engendre les vers! Et si c’était par la mort que commençait toute la littérature d’imagination?

 

« Écris comme si tu étais en train de mourir. En même temps, dis-toi que tu écris pour un public uniquement composé de malades au stade terminal. Après tout, c’est le cas.»[1]

 

Contrairement à ce qu’il peut sembler, la ‘pataphysique n’est pas une théorie critique ou une opposition haineuse. Et, elle est beaucoup plus qu’une mouette rieuse. Bien qu’elle n’adhère jamais aux doctrines proposées, la ‘pataphysique n’enlève pas à la philosophie son apport généreux à l’égard des développements réflexifs d’un art de la pensée. Au contraire, ses nombreux outils et matériaux deviennent les pièces d’un jeu auquel tout pataphysicien s’adonne avec ardeur, intensité et joie. C’est que la ‘pataphysique ne peut s’empêcher de pointer discrètement et implicitement, entre deux lignes, un doigt hilarant en direction des sciences exactes d’abord; puis par ricochet, lorsque son regard revient croiser l’œil ouvert philosophique, elle ne peut s’interdire un sourire moqueur, bien qu’accompagné la plupart du temps d’un clin d’œil vert complice prêt à bourgeonner d’idées neuves.

Ce qui amuse la ‘pataphysique et ce dans quoi elle s’abuse, ce sont les dogmes hilarants et les spéculations hypothétiques dérivées et même valides quoique indémontrables faute d’accès à l’information véritable. En fait la ‘pataphysique (elle-même élucubration avouée) n’a qu’un but ultime : faire de la vie un jeu. Un jeu pour faire rire, un jeu pour faire peur, un jeu qui se meurt.

Toujours sérieuse dans son processus d’amusement. La ‘pataphysique est, le plus souvent, manifestation artistique d’un discours éloquent. Toute nudité, elle triche parfois, mais toujours sans voile. Sans bassesse elle s’exhibe aux voyeurs assoiffés; elle danse gratuitement pour s’offrir un instant mais elle ne se donne jamais entière que dans sa possible fusion aux esprits ‘patalucides... Ne craignant pas le ridicule, elle peut rire dans l’instant, elle se pointe du doigt. Bientôt, elle déconstruit et décloisonne ses édifices particuliers : érections éphémères et transformables, dont les matériaux et/ou les outils sont utilisés d’une façon chaque fois nouvelle (ou encore sont-ce tout simplement de nouveaux outils, de ceux inutiles selon les normes et les habitudes apprises). La pataphysique n’a aucune prétention, n’admire jamais ses confrères et ne les attaque pas non plus. Impunément, elle crache au visage de ceux qui trop la vénère; elle embrasse ceux qui osent l’attaquer : elle se love autour de l’assaillant telle une vipère amoureuse (non venimeuse, elle ne mord jamais), jusqu’à ce que l’étranger se retire vaincu sans bataille. Sans armes car non guerrière, elle est seule face à un monde dogmatique et clownesque, un micro monde en soi, où gisent des clans masqués. Une ville de miroirs; un carnaval de faux visages. 

Il est clair que les angles visés ‘patapossibles, s’offrent à toute la splendeur et l’horreur des mondes étranges et fascinants. Un nouveau monde entier déposé directement dans l’abyme monstrueux du vrai. Un monde qu’on choisit tel qu’il est parce que même laid, il transpire d’immenses révélations. Révélations s’effectuant non pas sur le monde extérieur et la nature inconnaissable. Mais des révélations relatives à nous-mêmes.

 

« Camarades,

Conscients du devoir du sang,

Vous qui bouillez de beaux desseins,

Vous qui voulez hausser la vie et cherchez à le faire sur des airs de dignité,

Que de chaînes vous traînez,

Que de souffrances qui vous étouffent dans l’écriture de vos grands rêves… »[2]



[1] Annie DILLARD, En vivant, en écrivant,  Éditions 10-18, Allemagne, 1998, p.90

[2] 1789, Inspirée du Théâtre du soleil, pièce présentée par les étudiants de l’Option Théâtre du collège Lionel-Groulx, mai 2001.